Les bourgeois d'autrefois à Trans (3)
Le bénédicité - Jean-Siméon Chardin
A la veille de la Révolution, les bourgeois sont à Trans une douzaine et, pour la plupart, ils sont les descendants de ceux qu'on a vu apparaître un siècle plus tôt. Généralement, les patrimoines se sont conservés. Ces bourgeois sont acquis aux idées nouvelles et ils sont partisans des réformes. Leur attitude dans les débuts de la Révolution, à laquelle ils adhérent d'enthousiasme, le prouve. Leurs lectures le confirment : dans la bibliothèque d'Honoré de La Plane, on trouve Montesquieu, Rousseau et L'encyclopédie. Il existe d'ailleurs à Trans, une loge maçonnique sous le nom de "La Parfaite Harmonie". Enfin, il est certain que les bourgeois ont joué un rôle déterminant dans la rédaction du Cahier des doléances de Trans.
Parmi ces bourgeois transians de la fin du XVIIIème siècle, certains ont fait une carrière très honorable. Honoré de La Plane est un magistrat qui sera le dernier procureur du roi auprès de la sénéchaussée de Draguignan. En 1790, il est juge du district ; en 1792, président du Tribunal de district, et en 1808, juge suppléant en la Cour de justice criminelle. Joseph Victor Garcin, fils de notaire, fait carrière dans la Compagnie Royale d'Afrique, dont il devient chancelier. Il a épousé à Bizerte, la fille du chancelier du Consul de la République de Venise à Tunis. Il était certainement considéré comme un personnage important car le Marquis a accepté, ce qui était exceptionnel, d'être le parrain d'une de ses filles.
Joseph Pons Bernard a acquis une grande notoriété. Après avoir fait ses études au Collège de Draguignan, il est entré dans la Congrégation de l'Oratoire. Jeune encore, il professe les mathématiques et la physique expérimentale. Ses connaissances le font attacher en 1777 à l'Observatoire de la Marine à Marseille, dont il deviendra le sous-directeur en 1781. Dejà membre à cette époque de l'Académie de Marseille, il est en 1786 élu membre correspondant de l'Académie des Sciences. Auteur de nombreux ouvrages, il jouissait d'une grande réputation non seulement en France, mais aussi à l'étranger. (Nota de Nadine : les descendants de Joseph Pons Bernard habitent toujours à Trans, il s'agit de la famille Reynier (voir sa généalogie dans ma base de données).
Pons-Joseph Bernard a été présenté plusieurs fois aux membres du COFRHIGEO et au public par les soins de François Ellenberger qui, muni de son irremplaçable expérience de géologue et d'historien, a dit l'essentiel...
Cette bourgeoisie a traversé la Révolution. Après l'enthousiasme du début, quelques-uns de ses membres ont été effrayés par les excès jacobins. Certains (notamment Honoré de La Plane et Joseph Pons Bernard) ont fait l'objet de mesures d'épuration lors de la mission de Barras (Nota de Nadine : Paul François Jean Nicolas vicomte de Barras était né à Fox-Amphoux (1755-1829). Mais les bourgeois n'ont pas tardé à retrouver leur considération et leur utilité dans l'administration communale. Cependant, c'est au cours du XIXème siècle qu'ils vont connaître leur déclin. Ce phénomène ne comporte pas une explication unique et il y a beaucoup de causes particulières qui ont agi. Des familles sont mortes de vieillesse, si l'on peut dire : à défaut des fils, les patrimoines sont allés à des filles mariées ailleurs ou à des collatéraux. Beaucoup n'ont pas su administrer leurs propriétés ou tout au moins, ils se sont cantonnés dans une routine archaïque sans réaliser les innovations nécessaires ; de ce fait leurs exploitations sont devenues de plus en plus inutilement coûteuses et ils s'y sont obstinés. C'est à ce propos qu'un Provençal du siècle dernier disait qu'en Provence, il y avait divers moyens de consumer les patrimoines. Il y avait le jeu et les femmes comme partout ailleurs. Et puis il y avait l'agriculture. Et il ajoutait : "Je crois que l'agriculture est encore le plus sûr moyen". On peut quand même dégager deux causes générales. Tout d'abord, beaucoup de bourgeois se sont laissés vivre. Ils n'ont pas eu le courage de faire autre chose. Il semble qu'ils avaient perdu tout esprit d'entreprise. Et leur apathie s'est manifestée dans tous les domaines. C'est ainsi que peu à peu, ils se sont désintéressés des affaires municipales alors que leurs devanciers avaient joué un rôle tellement important dans ce domaine. De plus, les bourgeois se sont vus supplanter par une classe sociale qu'on a vu apparaître à la veille de la Révolution : les négociants qui sont maintenant des industriels et des commerçants. Ce sont eux qui tiennent le haut du pavé à Trans à la fin du XIXe siècle. Et c'est ainsi que les derniers bourgeois de Trans disparaissent au début du XXe siècle.
Source : Bulletin de la Société d'Etudes Scientifiques et Archéologiques de Draguignan et du Var. Auteur : Guillaume Barles.
Pour en savoir plus sur Barras :
Quand Barras, futur révolutionnaire régicide et anticlérical, se recommandait à la Vierge ! Aux pieds du vieux village de Fox-Amphoux dans le Var, le promeneur pouvait contempler jadis dans une chapelle creusée dans la falaise un ex-voto peint représentant un vaisseau en péril luttant contre la tempête ; Le tableau aurait été déposé là en 1783 par Paul Barras lors d'un pèlerinage d'action de grâce.
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