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Trans en Provence au fil de la Nartuby
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5 octobre 2016

Les bourgeois d'autrefois à Trans (2)

 

DeTroy Salon de lecture

 

Lecture dans un salon Jean-françois de Troy - Collection particulière

 

Le XVIIème siècle voit l'épanouissement de la bourgeoisie et la multiplicité des documents permet de définir ses caractéristiques. Tout d'abord, les bourgeois du village se distinguent des paysans parce qu'ils vivent "noblement", c'est-à-dire sans travailler de leurs mains. Souvent ils exercent une profession libérale, ainsi qu'on l'a dit, mais parfois ils se bornent à en porter le titre. Quelles sont leurs ressources ? Les bourgeois sont essentiellement des propriétaires terriens qui tirent le principal de leurs ressources du revenu de leurs biens. Ils les afferment le plus souvent, se réservant quelquefois une terre plus productive pour une exploitation directe. Dans leur ensemble, les bourgeois possèdent environ 20% du terroir et sont les plus imposés. Comme leurs revenus excèdent leurs besoins, ils disposent de capitaux qu'ils font fructifier soit par des constitutions de rente, soit par la prise à ferme de services publics ou de biens seigneuriaux ou communaux. La constitution de rente est à l'époque un moyen de tourner la prescription légale qui, conformément aux principes de l'église catholique, proscrit le prêt à intérêt : l'emprunteur vend au prêteur une rente qu'il s'engage à lui payer, et l'emprunteur paye au prix d'achat qui correspond au capital de la rente. En principe, la rente est perpétuelle, mais, le plus souvent, l'emprunteur se réserve de la racheter en remboursant le capital. Le système de la ferme est d'un usage courant dans les fiefs et les communautés. Le Seigneur n'exploite pas directement son moulin à huile ou son four banal : il l'afferme. La Communauté n'exploite pas son moulin à blé ou ne perçoit pas directement les impôts : elle les donne à ferme. Les bourgeois se portent souvent fermiers, ce qui est généralement une opération avantageuse. Dans l'ensemble, les bourgeois gèrent bien leur patrimoine qui tend à s'accroître. Quelle est la formation intellectuelle de ces bourgeois ? Ils font leurs études classiques au Collège de Draguignan. Cet établissement avait été autorisé par le gouvernement royal en 1578, mais les guerres de Religion avaient empêché la réalisation du projet. C'est seulement en 1644 que l'établissement fut confié aux Doctrinaires qui le gérèrent jusqu'à la Révolution. Ce collège avait au XVIIIème siècle une grande réputation. Il est à noter qu'en plus des lettres classiques, on y enseignait les mathématiques et la physique. Du fait de leurs études, les bourgeois parlent et écrivent très correctement le français, mais dans la vie courante, ils ont conservé l'usage du provençal à l'égard duquel ils n'ont pas le mépris qu'auront leurs successeurs du XIXème siècle. Après les études classiques, les bourgeois qui se destinent aux professions judiciaires vont faire leur droit à Aix. Avec qui se marie-t-on lorsqu'on est bourgeois ou fille de bourgeois ? On peut dire qu'ils se marient dans leur milieu ; le mariage d'un bourgeois avec une paysanne est une chose rarissime. Mais comme le milieu bourgeois de Trans est très restreint, on va souvent chercher mari ou femme dans les localités voisines, Draguignan ou Lorgues notamment. Quelquefois, on va chercher très loin : c'est ainsi qu'au XVIIIème siècle, une jeune bourgeoise transiane épouse un jeune bourgeois de Sigale (Alpes-Maritimes). Une alliance avec une famille noble est particulièrement appréciée : on en trouve plusieurs exemples dans la bourgeoisie transiane au XVIIIème siècle. Le mariage comporte toujours une dot, un trousseau et des bijoux.

 

Hogarth-Contrat de mariage

 

Le contrat de mariage - William Hogarth 1743 - National Gallery, Londres

 

Quel est le genre de vie des bourgeois ? Pendant une grande partie du XVIIème siècle, autant qu'on peut s'en rendre compte par les inventaires après décès qu'on possède et qui ne sont pas très nombreux, l'aménagement intérieur des maisons, le mobilier et le vêtement restent assez rudimentaires. C'est au XVIIIème siècle que naît peu à peu chez les bourgeois de Trans, le goût du confort et d'un certain luxe. Il semble à cet égard qu'une double influence s'est excercée sur eux. Il y a tout d'abord la proximité de Draguignan où nobles et bourgeois ont maintenant les belles maisons que l'on voit encore dans la rue de l'Observance et dans la Grand Rue ; ils aiment les beaux meubles et leurs réceptions sont quelquefois brillantes. Les bourgeois de Trans veulent les imiter et il faut dire qu'à ce point de vue le voisinage de Draguignan a constitué un facteur de progrès. Il y a aussi le Seigneur qui donne le goût des belles choses. Jusqu'au début du XVIIIe siècle, le Marquis n'a pas eu de demeure à Trans où son château avait été détruit au cours des guerres de Religion (en 1579).

(Nota de Nadine : ce château occupait l'emplacement du Bachas et de l'hôtel de ville actuel).

 

Place du Château

 

La place du Château (de nos jours, le porche a été ouvert pour accéder au parking qui était à l'époque le jardin du château)

 

Mais, en 1745, il entreprend la construction d'un nouveau château dont les bâtiments existent encore. Ce château comprend de vastes appartements meublés avec goût, car le Marquis a longtemps vécu à Paris. Joignant le château, il est un parc auquel le Marquis donne toute son attention (voir à ce propos mon article intitulé : Contrat passé entre le marquis de Villeneuve et son jardinier).

 

Contrat passé entre le marquis de Villeneuve et son jardinier - Trans en Provence au fil de la Nartuby

Le contrat passé le 12 novembre 1773 par devant maître Garcin notaire à Trans, entre le marquis Louis Henri de Villeneuve et Joseph Garcin dit Perlon son jardinier règle les travaux que ce dernier devait effectuer dans le parc seigneurial....

Plan du parc du château 1

Plan du parc du château

Le jardinier et son seigneur

 

C'est ainsi que s'est formé le goût des bourgeois transians. On en trouve la manifestation dans deux maisons construites au cours du XVIIIème siècle. L'une porte le n° 9 de l'avenue de la Gare. Elle a été construite pour un chancelier de la Compagnie d'Afrique, c'est-à-dire pour un fonctionnaire important d'une compagnie commerciale. L'autre est l'ancien hôtel de La Plane, à proximité de l'ancienne école de filles (Nota de Nadine : cette grande maison abritait une congrégation de sœurs de Notre-Dame des Neiges jusqu'à une date récente). Honoré de La Plane était à la veille de la Révolution, le bourgeois le plus riche de Trans, on a la chance de posséder l'inventaire de son mobilier qui était de qualité. Quelles sont les occupations des bourgeois ? Certains exercent une profession libérale, les autres gèrent leur patrimoine. Il faut signaler également un élément nouveau qui s'introduit dans la bourgeoisie au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Il s'agit d'une catégorie sociale qui n'existait pas jusqu'alors à Trans : les négociants. Il y en a d'importants tels que Charles Ricaud, originaire de Barcelonnette qui fonde à Trans la première filature de soie de la Provence ; on ne tarde pas à le qualifier de "bourgeois" (voir à ce propos mon article intitulé : Les Ricaud de Barcelonnette s'installent à Trans).

 

Les Ricaud de Barcelonnette s'intallent à Trans - Trans en Provence au fil de la Nartuby

La création, en 1730, d'une filature de soie à Trans a été une conséquence indirecte de la clause du traité d'Utrech (1713) qui réunissait Barcelonette (actuellement dans les Alpes-de-Haute-provence) à la France. Barcelonnette avait déjà fait partie du Comté de Provence depuis le début du XIIIe siècle jusqu'en 1388...

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A côté de leurs occupations particulières, les bourgeois jouent un rôle de premier plan dans l'administration commerciale. C'est grâce à eux que Trans change de visage et perd son allure encore moyenâgeuse. On leur doit notamment ces deux chefs d'oeuvre qui sont l'hôtel de ville édifié en 1779-1780 et la fontaine de l'église qui est sa contemporaine (Nota de Nadine : la façade de l'hôtel de ville est classée ainsi que la fontaine à côté de l'église). Ils sont également attentifs aux misères et ils prennent des mesures pour secourir les malheureux que menacent souvent la maladie et les mauvaises récoltes. Quelle est l'attitude des bourgeois vis-à-vis du Seigneur Marquis ? Autant qu'on peut s'en rendre compte, il semble que cette attitude se modifie au cours du XVIIIème siècle. A Trans, comme dans tous les villages provençaux, il existait dans toutes les classes de la société une tradition d'hostilité à l'égard du Seigneur. Les conflits avaient été nombreux dans le passé et certains étaient allés jusqu'au tragique : en 1579, au cours de guerres de Religion, les Transians avaient contribué à la prise du château féodal, au cours de laquelle le Marquis, Claude de Villeneuve avait été tué. Les bourgeois seront désormais désireux d'entretenir de bonnes relations avec le Marquis, et la plupart d'entre eux seront heureux, lorsque le Marquis, très distant à l'égard de tous, les honorera d'une certaine considération. Les bourgeois d'ailleurs envient la noblesse et ils en recherchent les apparences que donne un mariage ou l'acquisition d'un fief. Barthélemy Goiran épouse une demoiselle qui possédait un fief minuscule dans les Alpes de Haute Provence : la Motière dans la commune d'Allons ; il devient Monsieur de la Mottière. Joseph Guillon achète une fraction du fief de Pontevès et on l'appelle dorénavant : Monsieur de Pontevès. Quelle est l'attitude des bourgeois à l'égard de ceux qui sont au-dessous d'eux, ménagers, travailleurs et artisans ? Il ne semble pas qu'il y ait de barrière entre les uns et les autres : enfants, ils ont joué ensemble ; ils se rencontrent chaque jour et tous parlent provençal ; ils se retrouvent parfois dans les assemblées municipales ou dans la Confrérie des Pénitents. Les bourgeois sont souvent parrains d'enfants de ménagers ou même de travailleurs (on appelle ainsi ceux qui sont obligés de louer leurs travail pour vivre) ; ils assistent à leur mariage. Mais cette cordalité a des limites. On a vu que les mariage entre bourgeois et paysans étaient très rares. On ne trouve pas de ménager parrain d'une enfant de bourgeois ou témoin à un mariage de bourgeois. C'est une caste qui se referme...
 
Suite et fin dans l'article qui suit...
 
 

 

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