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Trans en Provence au fil de la Nartuby
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Trans en Provence au fil de la Nartuby
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18 novembre 2022

Trans en 1835 vu par l'historien Etienne Garcin

Qui était Etienne Garcin ?

Etienne Garcin est né à Draguignan le 16 avril 1784 et décédé dans cette même ville le 23 novembre 1859 à 75 ans.

Instituteur de profession, il mena une longue carrière de poète et d'écrivain ; son oeuvre écrite rassemble à la fois un roman de première importance — étant donné le genre et l'époque — dans les lettres d'oc, La Roubinsouno prouvençalo, qui conte l'adaptation d'un microcosme provençal sur une île à la suite d'un naufrage — un dictionnaire destiné à aider les locuteurs de langue provençale à passer au français — ainsi qu'un important "Dictionnaire historique et topographique de la Provence ancienne et moderne", en deux volumes. 

Je vous propose de lire la page de ce dictionnnaire concernant Trans et qu'Etienne Garcin a écrite en 1835. Il faut évidemment remettre tout cela dans le contexte de l'époque.

Vallée de la Nartuby

Trans : Joli village à une lieue de Draguignan son chef-lieu d’arrondissement et de canton.

Trans tire son nom du fait qu’il était bâti en deçà de la Nartubie, c’est-à-dire du côté de Draguignan avant de descendre s'installer dans la plaine. On en découvre quelquefois des vestiges au quartier de Saint-Victor et près de la chapelle de ce nom. La voie romaine qui de Fréjus allait à Riez, suivait la rive gauche de la Nartubie depuis le village de la Motte et passait par Meyas hameau toujours existant, jusqu’à Draguignan, à-peu-près au même endroit où se trouve ce qu’on appelle encore le vieux chemin de la Motte.

Vers le milieu du siècle dernier (XVIIIème), on découvrit une pierre milliaire en face de la terre de Valbourgés ; en octobre 1834, j’en ai reconnu une moi-même près de la chapelle de Notre-Dame de Vallauris, trouvée depuis peu dans la terre ; elle est en granit foncé, et porte une inscription assez dégradée pour en rendre la traduction difficile. A ce même quartier on a découvert, à différentes époques, plusieurs pièces d’antiquité qui n’étaient pas sans intérêt. J’y ai reconnu plusieurs tombeaux en briques, des lacrymatoires, des lampes sépulcrales, des amphores en verre bleu, un dessus de tombeau en calcaire, ayant aux deux angles de devant une tête d’enfant, et sur la face la figure d’un animal fabuleux. Dans ces différents tombeaux il y avait des médailles à l ’ effigie de l'empereur Trajan ; et ailleurs, d’autres médailles à l’effigie de César-Auguste, d’Agrippa, de Germanicus, de Maxime et d’autres indéchiffrables. On y voit encore plusieurs pierres de granit qui ont dû appartenir à un édifice romain ; quatre sont rondes comme le fût d’une colonne. En ce même endroit, il y a dans la terre cinq bassins en amphithéâtre, élevés en gradin chacun de neuf pouces en sus de celui qui vient après. Ils donnaient de l’eau à un plus grand bassin ; ils sont tous en mastic très-solide et bien conservé. Il paraît que la petite source qui vient grossir le ruisseau en dessous de la chapelle fournissait à ces bassins ; mais qu’une révolution ou une obstruction dans le canal lui a fait changer son cours. Dans le grand bassin, j’y ai trouvé des écailles d’huîtres de l’océan, preuve incontestable que près de là se trouvait une belle villa ou maison de campagne, appartenant à une famille romaine très opulente. En février 1833, on a trouvé au quartier du Gabre plusieurs médailles en bronze, dont les mieux conservées sont, une d’Adrien, une d’Agrippa et une de Julia Marsa (ou Maesa) Augusta ; elles étaient près d’une belle urne cinéraire intacte, renfermée dans un vase de grès avec son couvercle. Le bourg de Trans devint bientôt un lieu considérable. La baronie de Trans, ainsi que les terres des Arcs, de la Motte, d’Esclans et autres lieux, furent inféodées, en octobre 1201, à Giraud Ier de Villeneuve, par Ildephonse II, comte de Provence, pour les bons et loyaux services que Giraud avait faits tant au roi d’Aragon son père qu’à lui-même, en plusieurs diverses et importantes occasions de paix et de guerre, et le beau et honorable train qu’il avait toujours tenu auprès de leurs personnes, avec beaucoup de prudence et de sagesse. Trois siècles plus tard, Louis XII, voulant aussi récompenser les anciens services d’un descendant de Giraud, Louis Ier de Villeneuve, baron des Arcs et de Trans, chambellan du roi Charles VIII, commandant son armée navale, ambassadeur à Rome, érigea, par lettres patentes données à Blois en février 1505, la baronie de Trans en marquisat, titre qui n’existait point encore dans ce royaume. Aussi, Louis de Villeneuve et ses héritiers investis du même droit, s’appelèrent-ils premiers marquis de France. Vingt-trois terres ou châteaux dépendaient de ce marquisat. Louis de Villeneuve, à qui Charles VIII avait donné la principauté d’Avélino près de Naples, était surnommé "Riche l’honneur". Son fils unique fut tué, en juillet 1516, à côté de François Ier. Bayard et Gaston de Foix répandirent des larmes amères sur la tombe de leur digne ami. Le château seigneurial de Trans, un des plus forts de la contrée, était près de l’endroit où se trouve la jolie maison commune.

Trans-Prise du château 23

Prise du château de Trans le 23 mai 1579 (Gravure que j'ai trouvée dans un livre sur l'histoire de la Provence)

En 1579, le seigneur d’Estoublon, à la tête d’une troupe de razats, vint l’assiéger ; et, le 23 mai, il l’enleva d’assaut, malgré les prompts secours que le baron de Vins lui apporta, et malgré la bravoure du seigneur du lieu, et le courage héroïque de sa femme, qui était la fille du comte de Carcès. Cette dernière fut sauvée du carnage par le baron des Arcs qui la couvrit de son manteau. Le plus jeune de ses enfans, encore à la mamelle, fut abandonné à la fureur des vainqueurs. Au moment où il allait être poignardé, un soldat d’Estoublon, tout razat qu’il était, en eut pitié, l’acheta sept sous et demi, et le confia aux soins d’un muletier de Draguignan, nommé Trabaud, qui en eut grand soin ; à telle enseigne qu’il devint commandeur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Les autres enfants furent faits prisonniers ; mais le baron de Trans, Claude Ier de Villeneuve, et plus de six cents de ses défenseurs furent passés au fil de l’épée. Le château fut détruit ce jour-là. Il n’en reste d’autre vestige que le bas d’une tour. Le village de Trans est très bien bâti. La Nartubie baigne ses murs. Cette rivière vient quelquefois si grosse, qu’elle inonde les rues et menace d’entraîner l’habitation. Les eaux passent habituellement sous trois ponts peu distans les uns des autres, et se précipitent dans un gouffre profond, formé par d’énormes rochers de tufs qui représentent les plus belles horreurs qu’on puisse voir. Les belles cascades de Trans, quoique au bord de la route, sont presque ignorées, parce qu’elles n’ont pas eu un Vernet pour les peindre, ni un Pétrarque pour les chanter. Cependant elles sont dignes du pinceau de l’un et de la plume de l’autre. Le climat de Trans est tempéré, et l’air très sain. Il y avait autrefois dans le pays des moulins à foulon, une belle filature pour la soie, et une fabrique d’organsin, la première qui ait été connue en Provence. On n’y voit plus aujourd’hui qu’une petite filature à soie, des moulins à huile et à farine, un tournant pour les taillandiers du pays, des scieries à planches, et une scierie à marbre qui vient d’être convertie en scierie à bois pour placage et marqueterie, qui doit fournir à tous les ébénistes de la Provence. On est étonné que le commerce de Draguignan n’ait pas encore songé à établir dans ce village une papeterie et même une filature pour le coton, car, quoique Trans soit une commune particulière, il peut être considéré comme un faubourg du chef-lieu. Ces deux établissemens augmenteraient l’habitation d’un tiers, et procureraient une nouvelle aisance qui n’est point à dédaigner. La plaine de Trans est fertilisée par les eaux de la Foux de Draguignan qui nourrit de bonnes truites ; celles du ruisseau de Vallauris sont favorables aux écrevisses. Le territoire produit du blé, du vin, des légumes, du chanvre, des plantes potagères et surtout de l’huile d’olive. Il y a de belles pépinières de toutes sortes d’arbres fruitiers et d’agrément. Le pays est renommé pour sa bonne clairette, sorte de vin blanc très agréable au goût, mais un peu capiteux. On y fabriquait de l’excellent ratafia, qui était recherché dans les environs. Les distillateurs sont trop riches aujourd’hui pour continuer une industrie à laquelle ils doivent leur fortune.

Population 1.300 habitants.

Source : Dictionnaire historique et topographique de la Provence ancienne et moderne - E. Garcin - 1835

 

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