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Trans en Provence au fil de la Nartuby
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Trans en Provence au fil de la Nartuby
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19 juin 2023

Le sac du château de Trans pendant les Guerres de Religion

 

En 1608, pendant le règne d'Henri IV, le conseil du roi dut se prononcer sur une plainte du seigneur de Trans, Jean de Villeneuve, contre les consuls du village. Trente ans plus tôt, pendant le règne d'Henri III, la guerre civile sévissait en Provence. Elle opposait les Carcistes catholiques extrémistes, groupés autour du comte de Carcès, et les Razats, catholiques modérés, groupés autour du gouverneur de Retz. Le seigneur de Trans, Claude de Villeneuve, baron de Flayosc, père du plaignant, était carciste. Les consuls de Trans étaient favorables aux Razats, ainsi que leurs collègues consuls de Draguignan, Brignoles et Fréjus. Les excès de Claude de Villeneuve et des Carcistes incitèrent les municipalités urbaines à conclure en avril 1579 à Fréjus un pacte d'union avec des nobles catholiques modérés, voire quelques protestants. A la fin mai 1579, les Razats, qui disposaient de deux canons, vinrent attaquer le château de Trans. Les assiégés, inquiets, demandèrent à parlementer. Mais les assiégeants pénétrèrent dans le château. Claude de Villeneuve fut tué. La châtelaine, fort maltraitée, fut sauvée par un combattant razat, le seigneur des Arcs, cousins de son mari. Le dernier enfant de la châtelaine, âgé d'un peu plus de deux ans, faillit être jeté dans la Nartuby : il fut sauvé par un charretier dracénois qui amadoua les brutes et leur "acheta" l'enfant pour quelques sous. Le château fut mis à sac. En 1608, Jean de Villeneuve réclama des indemnités aux consuls pour la mise à sac du château.

 

DSC06959

 

Gravure représentant le siège du château forteresse de Trans le 23 mai 1579 

 

Extrait du mémoire de Jean de Villeneuve

 

"En l'année 1579, s'étend élevé du pays de Provence une faction et mutinerie de gens du même pays qui se faisaient appeler Razats, contre la noblesse (1), ne voulant plus être inférieurs, et qui pis est voulant secouer le joug et l'obéissance dus au Roy et au sieur comte de Carcès, lieutenant pour sa majesté au dit pays (2), les habitants de Trans ne demeurant des derniers à se joindre à cette faction, prenant de là occasion d'exercer leurs vindictes, animosités, ou plutôt furies contre le sieur baron de Flayosc, père du demandeur. Lequel baron de Flayosc, ils seraient venus assiéger dans le château de Trans, et ayant pris ce château le 11 juin, par une inhumanité incroyable, le tuèrent et assassinèrent, commettant plusieurs indignités contre la dame son épouse et recherchant leurs enfants. Ils ne voulaient pardonner au plus petit que l'on fût contraint de racheter de ceux qui le portaient en la rivière pour le noyer. Ils pillèrent et saccagèrent le château. Ils emportèrent les beaux et précieux meubles qui y étaient, pour ce que c'était le lieu et la demeure du feu sieur marquis de Trans et du dit sieur baron de Flayosc, son fils. Toutes ces inhumanités furent exercées par les défendeurs (les consuls de Trans) et leurs prédécesseurs, au préjudice de l'édit de pacification (3) fait par le roi défunt au mois de mars de la dite année 1579".

 

Les consuls de Trans, assignés au conseil du roi par Jean de Villeneuve, présentèrent un mémoire.

 

"Le fait est qu'en l'année 1578 et 1579, Claude de Villeneuve, père du demandeur, fit lever des gens de guerre au pays de Provence, contre l'autorité et commandement du Roi, faisant commettre toutes sortes d'excès." Le pouvoir royal, informé, ordonna en septembre 1578 la cessation de cette levée d'armes, et, en cas de refus, ordonna aux forces de l'ordre d'y mettre fin. "Au mépris desquelles défenses ledit Claude de Villeneuve se fortifia dans le château de Trans, saisit tous les grains, fruits et meubles des habitants et les mit dans son château. Et là, faisait des sorties tous les jours (4), courant et ravageant à Draguignan, Fréjus, Pertuis, Barjols, Brignoles, Saint-Maximin et autre villes voisines du dit Trans, commettant toutes sortes d'excès et désordres, par pilleries, rançonnements, meurtres, viols de femmes et filles, brûleries de bourgs... Enfin, il n'y avait sorte de martyre ou mal au monde que le dit Claude de Villeneuve ne fit commettre". Les consuls des communautés se plaignirent au Parlement d'Aix. Le Parlement autorisa les communautés à résister par la force. "De sorte qu'ensuite les dits arrêts, toutes les dites communautés firent assemblée par laquelle il fut dit et résolu de faire lever d'armes, et qu'il serait député gens tant pour aller faire venir pièces d'artillerie que gens de guerre". On se procura à Antibes deux pièces d'artillerie et on les amena à Trans, où s'étaient concentrés les Razats... "Et ayant le canon fait un peu de brèche au château, ceux du dedans auraient demandé composition, en traitant laquelle, la dite armée les aurait surpris et être entrés dedans, où étant auraient tout tué, et le premier fut ledit Claude. La dite prise fut faite le 22 ou 23 juin 1579 et le même jour ou lendemain, les soldats de la dite armée auraient abattu tous les planchers du château, vendant la futaille, tant à ceux de Draguignan qu'autres villes voisines, achetant icelle plutôt pour rendre le château inhabitable que pour leur commodité propre, à cause des voleries et meurtres qu'y aurait fait faire Claude. Les dits consuls ni habitants de Trans n'ont point démoli le château qui a été démoli par les soldats de l'armée, même qu'en ce temps-là, les dits habitants étaient tous écartés du village (6), qui de ci, qui de là. Et que quand même, quelqu'un des dits habitants se serait trouvé à telle démolition, le Sieur marquis se doit adresser particulièrement sur iceux, et non contre la communauté, car elle ne peut pas répondre des fautes des particuliers."

 

Le Conseil du Roi donna raison aux consuls de Trans. Jean de Villeneuve fut débouté.

 

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Explications :

 

(1) La noblesse était assez volontiers carciste. Toutefois, les nobles razats ne manquaient pas. Ainsi, Mr d'Estoublon commandait la force qui vint attaquer le château de Trans. Le seigneur des Arcs, cousin du seigneur de Trans, était razat.

(2) Le comte de Carcès avait effectivement le titre de comte, mais il était toutefois en état de rébellion à l'égard du gouverneur, partant du pouvoir royal.

(3) Avec une persévérance digne d'un meilleur sort, la royauté française multiplia de tels édits durant les guerres de Religion.

(4) Jean de Villeneuve avait reçu entre-temps l'appui des bandes du baron de Vins, le plus redoutable chef de guerre carciste.

(5) Avec peut-être quelque exagération, le mémoire estima leur nombre à plus de 3 000 hommes. Mr d'Estoublon, qui les commandait, trouva la mort dans cet affrontement.

(6) Les excès de Claude de Villeneuve auraient incité de nombreux habitants de Trans à fuir le village. 

 

Source : Mémoires du Var - Michel Marguerite - Ed. Lacour

 

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Si vous désirez lire ou relire les deux articles suivants, je vous mets les liens directs :

 

Plaque funéraire dédiée à Claude de Villeneuve - Trans en Provence au fil de la Nartuby

Cette plaque funéraire se trouve au Musée municipal à Draguignan. J'ai été obligée de couper les photos car je ne pouvais pas...

http://www.transenprovence.info
Les guerres de Religion : Carcistes et Razats - Trans en Provence au fil de la Nartuby
En 1576, le Roi signe un édit qui déchaîne la colère des catholiques parce qu'il donne aux huguenots le droit de pratiquer leur religion et...

http://www.transenprovence.info
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