L'immigration italienne à Trans
Le personnel de la filature Garnier en 1893. De nombreuses Italiennes y étaient employées. Elles logeaient dans un grand bâtiment au fond de la cour de la filature (aujourd'hui disparu).
Intérieur de la filature
La Provence a attiré de longue date les immigrants italiens. Cependant, ce fut entre 1850 et 1960 que l'immigration italienne dans le Var atteignit son apogée. La raison majeure qui poussa ces gens à s'expatrier fut d'ordre économique. Cette immigration alla jusqu'à représenter 15% de la population varoise. A Trans, les Italiens constituaient environ 13% de la population vers 1900. Ils étaient majoritairement d'origine piémontaise et toscane. Lorsqu'on parcourt les registres d'état civil, on trouve citées les localités de Montemale, Orméa, Peveragno, Vignolo, Dronero, Garessio, Boves, Pagliero, Mammola, Schio, Valloriate, Fesoglio, Brossasco, Cuneo, etc... comme étant leurs lieux de naissance. Je ne peux pas les citer tous, mais voici quelques-uns des noms de famille d'Italiens rencontrés au cours de mes recherches dont certains ont toujours des descendants à Trans : Agnese, Ambroggio, Ardoino, Barberis, Barillaro, Beltramo, Bennati, Biale, Borotti, Brondello, Brunengo, Cesana, Chiapello, Dani, Ellena, Faroppa, Ferraris, Ferrero, Garro, Gioffredo, Giraudo, Giusiano, Godano, Lerda, Lequio, Lovera, Mazza, Merlino, Michelis, Minazzo, Ottone, Perugia, Rampini, Sappa, Sciandra, Seno, etc... La plupart des immigrés vivaient dans le village. Les célibataires constituaient un quart de la population italienne. Certains habitaient une chambre chez des parents eux aussi installés à Trans quelques années auparavant et qui étaient venus "en éclaireurs". D'autres mettaient en commun leurs maigres économies pour partager un logement. Les hommes étaient plus nombreux que les femmes à immigrer. Les couples italiens avaient plus d'enfants que les couples français, mais une même famille avait souvent des enfants italiens nés en Italie et des enfants français nés en France, parfois dans plusieurs communes, vu la mobilité des familles. Quel accueil la population locale réserva-t-elle à ces étrangers ? Ce fut d'abord de l'hostilité et de la méfiance envers ces gens qui venaient "manger leur pain". On les qualifiait de "Piantous" (Piémontais), de "Babis" (crapauds) ou encore de "Macaronis". On les accusait d'être cause de chômage ou d'apporter des maladies contagieuses. Au fil des ans, on s'aperçut que ces Italiens étaient des travailleurs acharnés et qu'ils avaient été contraints de quitter leur patrie pour pouvoir nourrir leur famille. "Ce sont des latins comme nous, leurs ancêtres Romains sont venus chez nous il y a bien longtemps, ils sont chrétiens comme nous et ils vont à la même église. Notre langue provençale leur est familière, surtout chez les Piémontais, ils finiront par prendre nos habitudes". Pendant longtemps, les mariages entre Italiens et Transianes ou Transianes et Italiens furent mal vus. Mais le bon sens finit par triompher et l'intégration se fit petit à petit en douceur.
Ces immigrants exerçaient des professions modestes. Les femmes étaient le plus souvent journalières, employées dans les bouchonneries, les scieries, la fabrique de contreplaqué, beaucoup travaillaient à la filature de soie. Les hommes travaillaient comme ouvriers agricoles, journaliers. D'autres étaient bûcherons (bousquetiers), scieurs, maçons, ou salariés dans d'autres secteurs de l'artisanat. Quelques-uns étaient à leur compte, comme agriculteurs, artisans (cordonniers par exemple) et petits commerçants. A la fin du XIXème siècle, l'ascension sociale italienne était encore très modeste. Mais elle s'accrut au cours du XXème et plus encore après 1950 au temps des Trente Glorieuses *. Elle fut facilitée par la proximité des cultures, par la fréquence des mariages franco-italiens, par la facilité de l'obtention de la nationalité française, par l'intégration à l'école de la République, par le rapprochement de la France et de l'Italie après 1945, alors que de 1880 à 1890 et de 1936 à 1945, les relations des deux pays avaient été très mauvaises.
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* Trente Glorieuses : Les Trente Glorieuses font référence à la période de forte croissance économique qu’a connue entre 1945 et 1973 la grande majorité des pays développés. L'expression a été créée par Jean Fourastié en 1979 en rappel des Trois Glorieuses, journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830 qui avaient fait chuter Charles X.
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Je vous mets ci-dessous deux liens sur l'immigration italienne qui pourront vous intéresser.
La Seyne_sur-Mer (Var) Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var) Images de la vie seynoise d'antan - Tome III (1990) Du bourg provençal à la cité cosmopolite (Texte intégral du chapitre). Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense, Mêlant sa gloire pique aux orgueils du passé. N'est pas cet étranger devenu fils de France Non par le sang reçu mais par le sang versé ?
http://jcautran.free.fr
La Provence a été, à la fin du XIXe siècle, une terre d'accueil pour des milliers d'immigrants venus de l'autre côté des Alpes. Tout généalogiste réalisant des relevés d'état-civil se rendra compte que l'arrivée d'immigrants italiens remonte au Second Empire (1852-1870) et que ce phénomène subit une nette accélération dans les années suivantes (Troisième République, à partir...
http://www.geneprovence.com
Bouscatiers italiens à la terrasse d'un café à Trans.
Au milieu, Pierre Lieto (le père de Marcelle), à côté, à gauche, Monsieur Agnese (le père de Jeannot).