Exploitation des bois en 1695
Extrait d'un mémoire de Pierre de Villeneuve, marquis de Trans, comte de Provence, etc.
Les bois ne se coupent pas en taillis. Ils sont la plupart de bois de pin qui pousse toujours des arbres droits. Il y en a un nombre infini dans un petit espace de tout âge et de toute grandeur. On a toujours accoutumé de couper les plus grands et les plus forts, pour éclaircir et faire jour aux autres moindres. Cette coupe se fait en coupant le pied d'arbre sans mesurer sa longueur, ou en la mesurant par goues, laquelle goue est de trois palmes ou vingt sept pouces de longueur réduit à neuf pouces de largeur en carrure. Ce bois là se charrie par charrettes de toute sa longueur. L'autre vente se fait des bois moins gros qui servent souvent à faire des planches, ais, chevrons. On vend par douzaine. La recette se fait soit dans la forêt, soit sur le bord de la mer si on les embarque, soit sur le livre de l'Amirauté. L'Amirauté contrôle tous les bois qu'on embarque et oblige d'en apporter un déchargement fait en France, parce que les bois sont marchandise de contrebande lorsqu'ils servent à la construction.
A qui l'on vend : les ventes de bois se font : ou bien aux Parcs et Arsenaux du roi à Toulon. L'administrateur a un fournisseur et l'on vend au fournisseur établi. Ou bien aux marchands particuliers qui font ces sortes de commerce, ou aux capitaines des vaisseaux et des barques qui les viennent faire exploiter et accommoder comme bon leur semble. Les bois de chêne se vendent comme les bois de pins.
Chauffage : On ne connaît pas en Provence les taillis qui ne servent qu'au chauffage. Et comme, dans ce pays, il ne fait pas beaucoup froid, le peuple va, dans les forêts, prendre pour usage, ceux que les vents abattent ou qui se meurent ou bien les abatis des bois que les marchands ont fait la coupe, on bien encore d'autres bois qui ne servent pas à la construction et qui sont divers arbastres (sortes diverses inutilisées par l'industrie). Les habitants payent pour cette permission une somme convenue ; on fait le jour de St-Michel un relevé de ceux qui veulent participer à cet avantage, et on donne à chacun d'eux un billet afin que les gardes-terre laissent passer. Tous les gens du voisinages en usent ainsi.
Particularité : Les prix des bois diffèrent suivant qu'ils sont plus ou moins près de la mer. Les plus rapprochés sont les plus chers. Relativement aux achats au Parc de l'Amirauté, on ne convient pas d'une quantité certaine ; en cas de guerre, de construction ou de radoub, pendant la paix même pour les bâtiments de l'Arsenal, la Cour change souvent ses ordres, et il faut faire des fournitures plus grandes. Il en résulte que les intendants ne font jamais prix que pour les choses, sans spécifier le nombre et la qualité. Quelquefois, il arrive que les fournisseurs veulent limiter leur engagement à une quantité déterminée, à causes des charrois qui sont longs à faire principalement pour les bois de chêne. Ainsi il est dit dans le contrat passé par Jaubert, fournisseur au mois de mars 1692, qu'à l'égard du bois de chêne, il n'en fournira que 18 000 pieds par an pendant les trois ans de sa fourniture. A l'égard du bois de pin, aucune restriction, la fourniture étant plus facile.
Bois de Trans, y compris le Rouet : En 1691, ces bois furent vendu pour la construction du Royal-Louis, qui fut vaisseu amiral... Il y en eut pour 3 020 livres, et pour 700 à 800 livres pour faire le goudron.
Bois du comte de Tourrettes : Bois tiré d'Esclapon, d'Avaye, La Napoule... Beaucoup de pilotis, pris à la Napoule dans le bois de la Roubine, près de la mer, ont été employés à bâtir la savonnerie dans le port de mer appelé Théoule.
Source : Les Archives de Trans en Provence n°21 janvier 1932 - Jean Barles