Une émancipation en 1716
Voici d'après un acte du 12 août 1716 passé chez Maître Garcin notaire à Trans, comment un père émancipait son fils. L'acte débute comme suit : "Sachent tous présents et advenir que par la disposition divine et humaine, les enfants parvenus de légitime mariage sont tellement soumis sous la puissance paternelle qu'ils n'en peuvent être délivrés que par la voie d'émancipation. Ne pouvant dès lors faire aucuns trafics et négoce que par la faveur de cette puissance paternelle... Ce que considérant, Jean Roux, ménager de Trans, fils légitime et naturel de François Roux, marchand du même lieu, se trouvant dans un âge compétent pour pouvoir et savoir se conduire, et désirant s'acquérir des biens par moyen de ses soins, travaux et industrie, a requis son père de vouloir l'émanciper et le mettre lors de sa main, subjection et puissance paternelle. Ce que voyant, le dit père étant bien aise de concourir suivant les intentions de son fils à trafiquer et négocier avec l'honneur et crainte de Dieu, a offert de faire la dite émancipation... Et pour cet effet, étant l'un et l'autre en présence du Sieur Angelin Laurent, bourgeois, viguier de ce lieu, l'ont supplié vouloir autoriser la dite émancipation. Ce qu'il a promis de faire ; et, pour la validité d'icelle, a demandé au dit père, en présence du Sieur Joseph Taxil, premier consul de ce lieu, de dire s'il n'a pas été contraint et forcé à le faire ; lui déclarant qu'icelle faite et publiée est irrévocable, et qu'elle le prive non seulement de son enfant, mais encore de tout ce qu'il (l'enfant) pourra s'acquérir à l'avenir... Le Sieur Roux a déclaré faire la dite émancipation de sa pure et libérale volonté, sans pratique, fraude, ni subornation et qu'il est instruit et assavanté de la force d'icelle. Et au même lieu et présence que ci-dessus, le dit père étant assis à une chaise, à côté du Sieur viguier, le dit Jean Roux fils, les mains jointes dans celles de son père, lequel les ayant lachées, lui dit :"Mon fils Jean, je t'émancipe, te faisant maître de tes droits, et je te mets hors de ma main, subjection et puissance paternelle". Et au moyen de ce, le Sieur viguier déclara le dit Jean Roux émancipé et délivré de la main et puissance paternelle, ayant néanmoins requis le dit fils d'assister son père dans tous ses besoins, nécessités et adversités, lui porter tout honneur et devoir selon les exprès commandements de Dieu. Ce que ledit fils a promis faire avec serment. Après quoi, en faveur et contemplation de la présente émancipation, le père a donné à son fils tous les acquets et conquets* qu'il pourra faire à l'avenir, avec pouvoir de négocier, trafiquer, vendre, aliéner, permuter et disposer tout ainsi qu'il avisera, comparaître et se présenter devant tous juges, en demandant ou en défendant, constituer et destituer procureurs et élire domicile si besoin est, et généralement faire tout ce que droit permet. Dont et du tout le fils en a très humblement remercié son dit père. Lequel pour lui donner d'autant mieux l'occasion de parvenir dans le monde, a vuidé remis et transporté à son fils..." Suit l'énumération de diverses propriétés rurales évaluées à 270 livres... Témoins : François Nicoulin, tisseur à toile et Pons Bourrely, maréchal à forge.
* Explications acquets et conquets : acquets : ce que l'on a acquis ; conquêt : chose transmise pendant le mariage par un des conjoints.
Source : Les Archives de Trans en Provence - n° 28 mars 1933 - Jean Barles