Contrat passé entre le marquis de Villeneuve et son jardinier
Le contrat passé le 12 novembre 1773 par devant maître Garcin notaire à Trans, entre le marquis Louis Henri de Villeneuve et Joseph Garcin dit Perlon son jardinier règle les travaux que ce dernier devait effectuer dans le parc seigneurial. Le marquis de Villeneuve était colonel du régiment Royal-Roussillon et il envisageait de quitter ses fonctions pour venir se fixer définitivement à Trans. Ce contrat a été fait pour deux années du 1er janvier 1774 au 31 décembre 1776 moyennant la somme de 400 livres par an payables en douze mensualités en fin de mois. L'acte a été dressé en présence d'Honoré Muraire, procureur au siège de la ville de Draguignan et de Pierre André Ferry, bourgeois de Trans. Les travaux que le jardinier s'engage à effectuer sont énumérés ci-après. Cette énumération fournit de précieux renseignements sur la disposition du parc, surtout si on se rapporte au plan que le marquis a dressé lui-même de ce parc en 1780 (voir mon article précédent).
L'acte qui se situe six mois avant la démission du colonel de Villeneuve est intitulé sur la minute : "Prix-fait des travaux nécessaires pour la culture des jardins et de tout ce qui est contenu dans le parc. Contrat entre le Marquis de Trans et Joseph Garcin dit Perlon".
Travaux du jardinier
1) Bêcher trois fois par an les marronniers qui forment les deux allées en fer à cheval et avoir attention que la culture soit de la largeur du terrain qui est entre le pré d'un côté et l'allée de l'autre, à l'exception d'un rebord d'un pan seulement du côté de chaque allée, qui sera laissé sans culture afin que le glacis de ce côté là ne soit pas endommagé. Il coupera seulement les mauvaises herbes le long de cette bordure. Ces trois œuvres se donneront à la terre en avril, en juillet et en septembre.
2) Bêcher trois fois par an, aux mêmes termes, les autres marronniers qui sont dans le labyrinthe de pourrette de mûriers, de même que les tilleuls qui s'y trouvent, la culture desquels doit être de huit pans en carré.
3) Bêcher trois fois par an, aux mêmes termes, les tilleuls qui sont autour de l'avant-cour et ceux qui forment l'allée du milieu, en observant de donner la culture à toute la plate-bande où les arbres se trouvent, qui doit être de six pans de largeur et par ce moyen, la haie de myrthes, d'olivastres ou de pourrette qui forme cette plate-bande sera cultivée.
4) Bêcher trois fois par an, aux mêmes termes, les autres tilleuls, oliviers, ormeaux, figuiers, qui sont le long de la tèse et tous les arbres fruitiers à plein vent qui sont dans le verger.
5) Cultiver quatre fois par an, en mars, mai, juillet et septembre, les haies de pourrette de myrthe, d'arbousier, d'olivastre, de noisetier, de cognassier, de grenadier, de houx ou de toute autre espèce d'arbustes et le triangle qui se trouve complanté en arbrisseaux, ainsi que la partie qui est le long de la muraille et celle qui est le long des peupliers du ruisseau, où il y a une pépinière de marronniers et de tilleuls.
6) Cultiver la tèse seulement trois fois par an, en avril, juillet et septembre. Bêcher trois fois par an, aux mêmes termes, le long du bâtiment de la machine, ceux qui seront plantés de l'autre côté et ceux qui bordent le ruisseau le long des jardins du village.
7) Cultiver trois fois par an, en mars, mai et juillet, tout le terrain de la vigne nouvellement plantée et de celle qui doit être plantée à la suite. Entretenir un échalas de cade au pied de chaque souche qui y sera attachée avec du jonc vers le mois de mai ou de juin, lorsque la vigne montera assez pour arriver au bout de l'échalas et couper tout ce qui sera plus haut. Avoir soin de repasser vers le mois de juillet pour attacher ce qui en aura besoin et retrancher ce qui sera plus haut que l'échalas.
8) Cultiver quatre fois par an aux termes convenables une planche de framboisiers qui est derrière le potager et près de la tèse. Cultiver, en mars, mai, juillet et septembre, les arbres fruitiers qui se trouvent le long de la muraille qu'on doit construire au dessus de la nouvelle vigne des muscats.
9) Entretenir les traverses qui forment une barricade du côté des jardins du village le long des peupliers, avoir la plus grande attention de réparer le moindre dommage qu'il y aura afin que le passage soit partout condamné et bien entendu, le tout sera mis auparavant en bon état.
10) Cultiver quatre fois par an, en mars, mai, juillet et septembre, la haie de rosiers qui fait la bordure du pré de l'Amour, de même que les rosiers et lauriers-thyms qui sont en cercle autour du piédestal de la figure (statue), en ayant soin de faire la culture d'un pan et demi seulement de largeur et d'entretenir la glacis qui est tout autour du côté du chemin et d'attacher les rosiers aux treillages qui seront posés.
11) Faucher les grandes allées deux fois pendant l'été pour détruire les herbes (ces herbes appartiendront à Joseph Garcin).
12) Arracher les herbes qui se trouvent sur le pavé de la cour du château et sur la bande de pavé qui est tout le long du bâtiment à la façade du couchant, à commencer le 15 avril et ensuite une fois par mois jusqu'à septembre inclus.
13) Entretenir très proprement, en ayant soin de couper les herbes et de nettoyer le tout aussi souvent qu'il sera nécessaire, les allées de marronniers en fer à cheval, la contre allée de marronniers le long du labyrinthe des pourrettes, celle qui mène du parterre au réservoir du jet d'eau, la grande terrasse, l'avant-cour du château et l'allée du milieu qui répond à la grille jusqu'au rond compris.
14) Entortiller les chèvrefeuilles qui sont au pied des arbres au tronc des dits arbres, à mesure qu'ils croîtront, les y attacher avec de la corde de jonc pour les soutenir où ils seront placés.
15) Tenir les chemins en dos d'âne sur le milieu, tels qu'ils sont actuellement, conserver bien exactement les rigoles qui sont le long des chemins pour l'écoulement de l'eau et entretenir les glacis partout où il y en a.
16) Arroser le pré qui est entre les deux allées de marronniers toutes les fois qu'il en aura besoin, avoir soin de bien arroser les glacis, de même arroser le pré de l'Amour et tout le terrain complanté de pourrettes en labyrinthe, toutes les fois qu'il en sera besoin.
17) Arroser le grand pré du verger et celui qui est de l'autre côté de la tèse, toutes les fois qu'il en aura besoin et en même temps arroser la planche de framboisiers qui est derrière le potager.
18) Arroser une fois pendant l'été tous les arbustes qui sont plantés dans le triangle et ceux qui sont dans l'autre partie, le long de la muraille, en mettant une cruche d'eau au pied de chaque arbuste.
19) Arroser les haies de pourrettes, de lauriers-thyms ou autres, de quelques espèces qu'elles soient, de quinze en quinze jour, depuis le mois de mai inclus jusqu'à celui de septembre aussi inclus.
20) Arroser les glacis de la terrasse quatre fois pendant l'été, en mai, juin, juillet et août, se servir des arrosoirs pour faire couler doucement l'eau depuis le haut jusque en bas, comme cela s'est déjà pratiqué.
21) Arroser à la mi-juillet tous les oliviers qui sont plantés sur la montagne, en mettant au pied de chacun d'eux, deux cornues pleines d'eau, arroser également à la mi-juillet et avec deux cornues pleines d'eau, chaque arbre planté de la dernière saison ou qui n'aura encore que deux ans, et ceux qui, commençant à jaunir, annonceront qu'ils ont besoin d'être arrosés.
22) Faire entrer l'eau dans la tèse de quinze en quinze jours depuis le mois de mai inclus jusqu'à celui de septembre aussi inclus.
23) En arrosant les haies de pourrettes ou autres arbustes qui bordent les glacis des allées, avoir soin de faire couler l'eau doucement tout le long et d'empêcher qu'elle les dégrade, arracher les mauvaises herbes le long de ces glacis et de celui de la terrasse, afin que la fromentane puisse bien réussir et faucher l'herbe trois fois pendant l'été.
24) Arroser, avec l'arrosoir, le banc du gazon du parterre une fois en mai, juin, juillet, août et septembre, en observant qu'il faut passer plusieurs fois au même endroit pour que l'eau pénètre dans le milieu du gazon et couper l'herbe trois ou quatre fois pendant l'été, afin qu'elle soit unie et bien fournie.
25) Pour ce qui est du parterre, cultiver les plates-bandes au mois de février, semer les pois de couleur aux places ordinaires, mettre de la terre bien préparée dans une ou deux caisses pour y semer des fleurs printanières, à la fin de mars, mettre les fleurs en place et donner une culture aux plates-bandes. Au mois d'avril, mettre des cannes tout autour des rosiers, œillets et autres fleurs qui auront besoin d'être soutenues. A la fin d'avril, semer dans une plate-bande les fleurs de l'automne : reines marguerites en grande quantité, œillets d'Inde, balsamines, après avoir donné une culture aux plates-bandes. A la fin de juin, mettre les fleurs en place, après une légère culture aux plates-bandes. Tailler les rosiers lorsqu'ils auront fini de donner des fleurs. Arroser tous les jours les fleurs des plates-bandes, un peu avant le soleil couché, depuis le 1er mai jusqu'au 1er septembre, puis en septembre et octobre, il suffira d'arroser deux fois par semaine. Faire entrer l'eau dans le parterre pour l'arroser en entier, à la fin de juin, juillet et août. Arroser les quatre carrés avec l'arrosoir deux fois par semaine, du 1er mai au 1er octobre, une fois par semaine en septembre et octobre. Cultiver et arroser souvent les myrthes et lauriers-thyms qui sont dans les vases. Et finalement, remplacer dans la saison convenable les arbustes qui auront manqué, ces arbustes seront fournis par le seigneur Marquis.
Source : Les Archives de Trans en Provence N°40 Jean Barles
Quelques explications
Fromentane : Dans le dictionnaire provençal, j'ai trouvé : Froumentalo : avoine élevée. Froumentau : qui produit du froment, qui a rapport au froment ou qui y ressemble. Terre à blé, sorte de poire.
Glacis : Talus, pente douce et unie.
Parterre : Partie du jardin ornée de plantes, herbes et arbustes, principalement dans un but esthétique et ornemental.
Montagne : Vraisemblablement la colline qui montait vers l'Ermitage.
Olivastre : Olivier sauvage.
Pan : Unité de mesure ancienne.
Pourrette : Jeune plan de mûrier. Jeunes plants d'arbres de pépinière.
Tèse : Grande allée gazonnée mais aussi : espace planté de rangées de buissons et pourvu de filets qui permettait autrefois de chasser les petits oiseaux ainsi pris au piège ; ce loisir était souvent pratiqué par les dames dans les grandes propriétés.